Scène de vie:

Une scène observée dans la rue m’a donné l’idée de l’article de cette semaine. Deux ouvriers du bâtiment fument sur un trottoir. Un troisième arrive, probablement le chef d’équipe, et dit aux deux autres : « si la direction vous voit, cela ne va pas le faire. ».

Je ne suis pas resté assez longtemps pour savoir si la direction était finalement arrivée, mais cette saynète m’a rappelé une situation que je rencontre assez régulièrement chez les managers.

Certains utilisent « la direction » au lieu du « je » lorsqu’ils demandent quelque chose à leurs collaborateurs, comme cela avait été le cas du chef d’équipe.

Le terme « La direction » est suffisamment flou pour ne pas trop vraiment savoir qui cela représente et assez précis pour que cela incite à exécuter ce qui est demandé.

Généralement, certains managers utilisent ce terme, car ils n’osent pas s’impliquer dans la demande ou le reproche.

La décrédibilisation assurée :

Le problème en communiquant de cette façon est que le manager se décrédibilise, perd en légitimité. Il fait inconsciemment passer le message que le vrai « patron », c’est « la direction ».

Comme « la direction » n’était pas là, les ouvriers ont continué à fumer. Le chef d’équipe ne s’est pas senti pris au sérieux. Peut-être même que si « la direction » était finalement arrivée, elle lui aurait sans doute reproché que les ouvriers étaient en train de fumer. Sa réponse aurait été probablement « je leur ai dit mais ils n’écoutent rien ».

Après avoir perdu sa crédibilité auprès de ses ouvriers, il l’aurait également perdue auprès de ladite direction.

La formule « la direction » n’est qu’un exemple, les managers peuvent également dire, « le directeur régional », s’ils sont directeurs de magasin, « le directeur marketing » s’ils sont responsables communication ou « le directeur général » s’ils sont membres du comité de direction… les exemples pourraient être multipliés à l’infini. L’idée est de justifier une demande en citant un responsable hiérarchique.

S’impliquer dans la demande :

Lorsque le manager demande quelque chose, il est essentiel qu’il s’implique en utilisant le « je ». La hiérarchie ne peut en aucun cas être une justification. Sinon, comme je l’ai dit, il perd en crédibilité. Le manager doit montrer que la demande vient également de lui.

Lorsqu’une demande émane effectivement d’un niveau hiérarchique supérieur, il est nécessaire que le manager s’y associe et montre à son équipe qu’il la porte. Il fait preuve de solidarité hiérarchique, condition indispensable pour que tous les niveaux hiérarchiques travaillent en confiance. Si le manager n’est pas d’accord avec la demande, il est normal qu’il l’exprime auprès de celui qui l’a formulée. Mais une fois que la décision est prise, il ne peut qu’en être le relai.

Je reconnais que parfois les demandes sont trop exigeantes. Dans ce cas, il est nécessaire de prendre du recul afin de montrer à son équipe que l’on est conscient du caractère trop ambitieux de la demande. Tout le talent du manager est alors nécessaire pour trouver un équilibre subtil entre la demande émanant d’un niveau hiérarchique supérieur et la réalité du terrain. Exercice périlleux mais indispensable pour garder la cohésion de l’équipe et continuer de travailler en confiance.